Pour ceux qui réfléchissent : Monétiser les intérêts de la dette…


Dans l’arrondi du zinc, Au Coin du Comptoir, il y a la bande des « experts genre café du commerce » comme on dit dans notre bistrot préféré. Bien sûr, ils ne sont pas plus experts que vous ou moi, même plutôt dilettantes en politique, en économie et en diplomatie, mais ils sont curieux, ils ne se contentent pas de ce qu’on leur raconte, ils fouinent, cherchent, vérifient et ont surtout horreur des ragots, des rumeurs et autres publications pseudo politiques faites par des bornés tout juste du niveau de Voici ou Gala.

L’autre soir, la discussion faisait rage dans le coin des « experts ». Le sujet était : comment rembourser la dette publique ?

Le plus radical d’entre eux prônait l’apurement pur et simple de la dette par le non remboursement. Simple, il envoyait se faire voir chez les Grecs (c’est de bon ton en cette période) tous les créanciers de l’état, un point c’est tout !!!   C’est vrai, disait-il, depuis le temps qu’on paye des intérêts, on a déjà largement remboursé les banquiers et comme cela on remet les compteurs à zéro, et on aurait économisé 46,3 milliards d’euros d’intérêts en 2011 et en 2012 si on s’y était pris quand les agences de notation ont commencé à nous casser les pieds.

changer la société

Son voisin, plus dans la ligne actuelle, disait : IMPOSSIBLE ! Ce serait une catastrophe économique pour l’Europe et pour la France. Pour la France, la partie nationale de cette dette non remboursée ferait plonger tous les investisseurs français dans la même crise que celle des subprimes. Les banques françaises et les investisseurs qui ont des emprunts d’état (environ 35% de la dette française) se retrouveraient en quelque sorte avec des actifs tout pourris qui ne vaudraient pas plus que les emprunts russes et il faudrait les recapitaliser à nouveau comme en 2009 pour qu’elles n’explosent pas. En Europe et dans le Monde, il n’y aurait plus un investisseur pour nous prêter un cent vu qu’ils auraient fait une croix sur  plus de 1 100 milliards !

Sachant que le budget de l’état est d’environ 400 Mds €, continua le modéré,  et qu’il nous faut emprunter environ 62 Mds € pour le boucler, si personne ne nous prête cet argent c’est carrément le plus gros poste du budget, à savoir l’ Éducation Nationale,  qui ne reçoit plus un centime. Tous les profs dehors et les gosses à la rue !!!

Le radical lui rétorqua qu’on n’aurait pas les 46,3 Mds de charge de la dette à rembourser et que c’était quand même toujours ça de pris…

Le troisième larron qui était resté songeur, le nez dans sa bière, lança « il y a peut être une autre solution. » En me documentant l’autre jour, je suis tombé sur un blog intéressant qui proposait un truc qui ne me disait pas grand chose, « La charge de la dette nourrit la dette » [ Blog Économie Sociétale ] mais qui à la lecture m’a semblé assez génial : La monétisation de la charge de la dette.

Quelques petites explications (c’est là qu’on va voir les touristes abonnés à la presse people disparaitre !)

C’est quoi la monétisation de la dette ?

      Un État peut diminuer son endettement par une méthode, aujourd’hui généralement abandonnée par les pays développés : la création monétaire. En émettant de la monnaie, les administrations publiques peuvent en effet financer le remboursement de leurs emprunts passés : on parle de monétisation de la dette (ou d’utilisation de la «planche à billets» quand on veut la dénigrer : l’État rembourse sa dette par une monnaie qu’il crée lui-même). Dans le cas où la création monétaire est confiée à une banque centrale et ne dépend pas des pouvoirs publics, l’État peut néanmoins monétiser de manière indirecte sa dette. Il lui est, en effet, possible de faire pression sur la banque centrale pour qu’elle achète, grâce à de la création monétaire, des obligations émises par les administrations publiques. Grâce à cette monnaie créée par la banque centrale, les administrations peuvent alors financer leurs dépenses.      [ Wikipédia : Dette publique  ]

Mais, dans son article, l’auteur ne pose pas qu’il faudrait monétiser la dette mais en priorité les intérêts de la dette. Nuance. Il a refait entièrement les calculs, année par année, de 1979 à 2009 et l’état de la dette  en appliquant la méthode de monétisation de la charge de la dette.  Mais on laisse parler l’auteur de ce travail de fond :

Entre fin 1979 et fin 2009 (30 ans), les APu (État, Administrations diverses, et Administrations de Sécurité Sociale) ont dû financer les intérêts de leur dette à hauteur de 1340 milliards d’euros, soit en moyenne 44 milliards d’euros par an (120 millions par jour).

Entre fin 1979 et fin 2009 la dette avec intérêts a augmenté de 1250 milliards d’euros.

Malgré une année 2009 catastrophique en terme d’endettement (comme le seront également sans doute 2010 et 2011), la dette, calculée sans intérêts, elle, aurait néanmoins diminué de 76 milliards d’euros entre fin 1979 et 2009 , et 215 milliards d’euros si on se réfère à fin 2007.

dette mecanisme

On peut montrer sous forme d’un graphique en valeur et en parts de PIB l’évolution de la dette publique constatée et ce qu’elle serait devenue dans un système monétaire où la Banque de France aurait pu «monétiser» directement (sans devoir passer par l’intermédiaire des banques commerciales pour ce faire) les besoins de financement de l’État et des administrations publiques. Cette monétisation est par définition sans intérêts puisque la Banque de France est une entreprise nationalisée depuis le 1 er janvier 1946.

La justification des promoteurs (dont le seul survivant est Valéry Giscard d’Estaing) de l’article 25 de la loi de 1973 qui interdit à l’État de présenter ses propres effets à l’escompte de la Banque de France fut la suivante : «empêcher l’État d’utiliser la ‘planche à billets’ et par voie de conséquence de limiter l’inflation». Las, l’inflation fut très largement supérieure les 10 ans de 1973 à 1982, par rapport aux 10 ans qui précédèrent cette date, de 1962 à 1972 : 11,2% en moyenne au lieu de 4,4%,

De plus, si la mesure avait été efficace, nous n’aurions évidemment pas de dette et ceux qui peuvent soutenir que la dette – à notre propre Banque Centrale – aurait été plus élevée si nous n’avions pas eu cette obligation de payer des intérêts aux détenteurs de monnaie n’ont évidemment aucun argument justificatif sérieux à faire valoir. La dette a bien évidemment été payée par une augmentation de la masse monétaire dans les mains des épargnants.

Il n’y a aucun doute que les intérêts payés sont la cause de l’augmentation de la dette et du niveau atteint actuellement, et s’il n’y avait pas eu d’intérêts à payer la dette publique aurait représenté fin 2009 quasiment la moitié du pourcentage en part de PIB qu’en 1979, après une dette quasi nulle en 2007.

Nous pouvons donc affirmer que c’est bien globalement le service de la dette qui a nourri l’augmentation de celle-ci au long de ces 30 dernières années.

A l’heure où le gouvernement veut à tout prix faire des économies, économies qui de toute façon impacteront le pouvoir d’achat de ceux envers qui elles s’appliquent, la première des économies serait de monétiser au minimum les intérêts de la dette publique, évitant ainsi à celle-ci de croître et d’imposer, par son effet boule de neige, encore plus d’emprunts ou de sacrifices à la population dans les années futures.            [ La charge de la dette nourrit la dette ]

Je ne mettrai ci-dessous qu’un seul tableau qui constate l’évolution de la dette avec et sans monétarisation des intérêts, je vous laisse vérifier dans l’article les autres tableaux et les calculs de l’auteur.

dette sans charge

Il ne reste plus qu’à convaincre la BCE d’appliquer la méthode à la zone Euro !!

Pour les courageux qui sont arrivés jusque là, qui ont un peu compris cette thèse et qui  sont intéressés,  je serais très heureux qu’ils nous apportent leurs lumières et leur analyse de cette méthode moins brutale que l’apurement pur et simple et moins douloureuse et inefficace de l’austérité ou de la rigueur.

Vous ne trouvez pas que c’est plus passionnant que de savoir si la cravate du Président est de travers ou si sa copine joue du piano aussi bien que l’ancienne première dame de la guitare…

À propos de poltechno

Avec l'âge on radote et on parle tout seul... Comme il n'y a plus de bistrot dans mon quartier je me suis créé un bout de comptoir virtuel sur le Net histoire de refaire le monde...

Publié le 02/05/2013, dans économie, politique, et tagué , , , , , , . Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.

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